Maternité

6 MOIS DE GROSSESSE… ET LA MAP

Je trouve que c’est un vilain mot. Un acronyme dont on ne connaît que trop peu le sens, et qui pourtant fait peur quand on le délie. MAP, à première vue pour les plus bilingues d’entre nous, c’est la carte qui t’indique le chemin à suivre. Vous voyez à peu près ? Ok, ben là ce n’est pas du tout ça…

La MAP… La quoi ?

Je fêtais à peine les 6 mois de grossesse révolus, 28 SA. Déjà ? Ca faisait quelques semaines que je me sentais ENFIN pleinement épanouie. Je me sentais légère (malgré les kilos qui s’entreposent et menacent de ne plus JAMAIS quitter le domicile), je me sentais rayonnante, je me sentais devenir véritablement maman. Mon congès maternité approchait à grand pas, je comptais les semaines avant la « libération » : à moi les après midi entre filles, les journées shopping, les séries à gogo et les préparatifs de la chambre de mon fils qui me remplissait déjà d’amour.

Malgré quelques alertes internes et personnelles, et beaucoup de conscience professionnelle, j’ai décidé de ne pas trop m’écouter pendant quelques jours. Je l’ai payé 48h plus tard, quand, à bout, mon médecin m’a dit « STOP ».

« Là, il vous fait du repos, c’est nécessaire, vous ne tiendrez pas
– Ok, mais dans 3 jours 
– Non, maintenant… 
– Non, dans 3 jours, je ne peux pas lâcher le projet sur lequel je suis. Dans 3 jours, je vous promets, je m’arrête ».

Après un long débat médicinal, j’ai pu terminer dignement mes 3 jours pour ensuite faire un break bien mérité. Malgré la culpabilité professionnelle (celle qu’on ne devrait plus jamais ressentir et dont on s’incombe injustement !).

A la fin de ces 15 jours de pause, il y a eu le déménagement, les agitations de tous les  copains qui aident à soulever les cartons, les meubles, etc. Bien évidemment, je n’étais pas de corvée, juste là pour donner les ordres. En revanche, le week-end qui a suivi, je dois avouer  que mon CAP « maitrise d’ouvrage » a servi (haha). J’excellais dans les allers/retours Leroy Merlin/Ikea/Poltrone Sofa/Maison, les ateliers peintures (même les peintures qui n’auront servi à rien puisque c’était la mauvaise couleur) et le montage de meubles (sans oublier les 4h à monter un canapé ikea qui en fait n’était pas un canapé, qu’on a dû ramener pour échanger car ils s’étaient plantés).

15 jours de repos, et une satisfaction a faire palir les voisins : on venait d’emménager dans notre maison, j’étais à fond pour en faire un cocon confortable pour nous 2, enfin nous 4, enfin… Nous 5. Je reprenais le boulot, heureuse. Alors oui, il y avait 2h40 environ de transport par jour, mais ça allait. Enfin, ça irait.

J’ai vite déchanté. Pas enceinte, c’était facile ! Quasi direct. Enceinte, c’était autre chose. Les changements, les escaliers, les longs couloirs à marcher… On se répète toujours qu’être enceinte ce n’est pas une maladie, qu’on est une femme active et qu’on peut le faire. J’en étais persuadée, intimement persuadée.

Au bout de 3 jours, assise dans mon train à 7h10 en direction de Saint Lazare, j’ai ressenti des choses bizarres dans mon entre jambe. J’ai toujours su qu’il était placé la tête en bas, bien prêt à sortir, je sentais que parfois il me titillait par ici, sans trop m’inquiéter. Là, j’étais assise, et je trouvais qu’il poussait un peu trop fort.

Mon RDV mensuel du 7ème mois avait lieu une semaine plus tard mais avec les trajets, j’ai trouvé ça plus sécurisant d’appeler mon gyneco et alléluia un RDV venait de se libérer. C’était un signe.
J’y suis, je lui explique, « oh les ligaments, combien de temps de trajet ? Ah, 3h ? Bon, je vous arrête jusqu’à la fin si vous voulez » En fait, la question n’est pas de savoir « si je veux » mais de savoir si mon enfant est en sécurité et si tout va bien 🙂

Quelques minutes après, le sourire se fige « bon, on va arrêter de rigoler, c’est repos repos repos mademoiselle, vous êtes arrêtée jusqu’à la fin, le col s’est raccourci ». Et puis, je l’ai vu écrire sur un compte rendu « MAP. COL 18MM ».

Menace d’accouchement prématuré.

Quand j’ai compris, quelques heures plus tard, ce qu’on encourait, j’ai paniqué. Mon petit monde de bisounours de femme enceinte s’est légèrement cassé la gueule, quelques projections balancées aux oubliettes, et les plans sur la comète loin dans la galaxie.

J’allais donc passer les semaines à venir alitée, à errer entre la salle de bain, la cuisine et le salon, sans pouvoir aller naturellement faire pipi la nuit puisque cela engendrait « descendre les escaliers ». C’est ça, ma nouvelle vie serait contrainte à pisser dans une bouteille d’eau vide. Parmi d’autres joies.

Des larmes à l’acceptation de la situation

Plus rien n’avait d’importance. Le travail, la décoration de la maison, les amis, les opinions, les culpabilités, plus rien n’existait. La résonnance même de l’existence de mon enfant était tout ce qui comptait.

J’ai eu, et je vous en remercie, de nombreux messages de chacune d’entre vous. Du soutien au partage d’expériences (parce que OUI, c’est très récurrent, vraiment beaucoup), en passant par des conseil avisés. Et pour tous ces mots précieux, je ne saurai assez vous remercier.

Au début, il y a une farandole de ressentis qu’il est nécessaire d’apprivoiser. Il faut comprendre ce qu’on ressent, ce qui nous arrive. Il faut comprendre ce que ça veut dire. C’est là tout l’enjeu, le seul.

Et il faut se pardonner, aussi. Rapidement.

Il faut se pardonner d’avoir peut être pousser le bouchon quand on aurait dû s’écouter.
Il faut savoir se dérésponsabiliser et comprendre que non, ce n’est pas notre corps qui nous fait défaut. Il ne faillit pas à son rôle, il est toujours aussi  génial, il donne la vie. Peut être juste qu’on ne l’a pas assez respecté ?

Il faut accepter que les mois à venir seront hors de contrôle, loin de la maitrise qu’on a l’habitude d’avoir. Tout sera recentré sur l’essentiel, qu’on le veuille ou non.

Au début, je n’ai pas supporté de subir une situation que je n’avais pas choisie. Ce n’est pas dans mon tempérament. Ni même de devoir rester à l’horizontale, sans avoir trop grand chose à faire.

Et puis finalement, ça arrive rapidement en second plan, ce côté « alitement à durée déterminée ».

J’ai vite réalisé que le souci n’était pas de ne pas savoir m’occuper, de devoir rester à l’intérieur ou de ne plus faire ce que je voulais faire.
J’ai réalisé que je ne supportais plus qu’on me dise « ce n’est que deux mois, tu oublieras ».

1 semaine, 1 mois, 2 mois, 6 mois si vous voulez. Ce n’est pas la durée le souci, c’est l’angoisse que ça génère. C’est d’avoir peur que mon enfant vienne au monde trop vite, trop tôt. Que des sequelles soient irréversibles, c’est que l’arrivée dans la vie lui soit plus violente qu’elle ne l’est déjà.

Oublier ? J’espère ne jamais oublier, je ne veux jamais oublier. On n’oubliera jamais les sacrifices et les inquiétudes naissantes. Je veux m’en souvenir, quand les temps seront durs, je veux me rappeler que tous les deux on s’est battus et que rien n’aura été facile. Pour pouvoir savourer davantage, toujours plus.

La MAP n’est pas un long fleuve tranquille…

Et puis, il ne s’agit pas d’attendre sereinement que le temps passe. Il y a des hauts, des bas. Des rebondissements, des inattendus.

Il y a eu l’alerte et la panique quand la sage femme a déclaré qu’il aurait fallu être hospitalisée pour les corticoïdes. Les quoi ?

L’injection à 24h d’intervalle de corticoïdes permettant la maturation rapide des poumons du bébé au cas où il arriverait.
Pour finalement se renseigner et faire ses premiers choix pour son enfant. Ces injections n’étant pas anodines, j’étais prête à les refuser dans le cas où mon col n’avait pas bougé.

Mercredi, une journée à l’hopital où on vous dit « col à 12mm, maternité niveau 3, hospitalisation, estimation du poids du bébé » et l’angoisse ressurgit, quand vous aviez accepté la situation.

Alors oui, on a eu les injections, qui nous ont fait passé 48h difficiles, mais c’était la chose à faire.

Et puis samedi soir, les contractions, les larmes, les urgences quand la sage femme vous dit d’y aller impérativement puisque la marge de sécurité est trop infime. Avoir l’impression qu’on va accoucher dans la voiture.
« C’est trop tôt, c’est beaucoup trop tôt ». 1h de monitoring, avec des contractions et on vous dit « ah non, pas de contractions sur le monitoring »

Et puis passer de MAP à MAP sévère. Ah ouais, c’est rude.

Le plus dur, dans cette période là, c’est l’alerte permanente sur les moindres ressentis. Ces nouvelles sensations qu’on devrait découvrir avec sérénité mais qui se transforment rapidement en angoisse. Une contraction ça ressemble quoi ? Est-ce que je dois m’inquiéter ? Est-ce que ce sont ses fesses que je sens là ?

Le plus dur, c’est l’apprentissage prématuré de devenir mère, parce qu’on a l’impression que tout doit se faire plus vite, parce qu’on doit tout comprendre plus rapidement.

Le plus beau, c’est cette connexion avec mon bébé qui s’amplifie. C’est cet amour qui se démultiplie à une vitesse folle. C’est de réussir à lui parler quand il bouge comme un danseur de tecktonik dans mon ventre. C’est l’impression qu’on se bat ensemble, et c’est d’avoir l’impression de déjà le comprendre.

Après ces 12 jours, j’ai tellement appris. Sur moi, mais aussi sur lui. Comme si maintenant je savais qu’il n’arrivera pas si tôt. J’ai la chance de n’avoir aucune contraction, au final. J’ai juste un bébé très bien placé, la tête collée au col, qui pousse en raison de la gravité dès que je suis debout.

J’ai donc juste à ne pas être debout, et tout ira bien pour lui. Pour nous.

Les semaines passent facilement, les week-ends sont plus douloureux. Surtout quand les enfants courent dans les rues avec un soleil qui s’écrase généreusement sur nos peaux. Les envies d’aller flâner au marché pour dénicher des fruits frais, l’envie de sentir les fleurs naissantes, l’envie (irrésistible) d’aller faire des courses, faire du ménage, organiser, ranger, participer à la vie de famille… Et puis finalement, voir le monde s’agiter autour de moi, qui ne peut faire autre chose qu’assister impuissante.

Les week-ends sont moins nombreux et moins longs que les semaines, on fera en sorte qu’ils passent rapidement pour moi.

Presque 30 SA.

Prochaines étapes : 32 SA, 34 SA puis 37 SA et on pourra reprendre le cours de notre quotidien. J’irai au marché, et j’humerai les fleurs des champs. C’est certain.

Au vert, Auvers. 32 ans et toutes ses dents. Déjà maman d'un merveilleux petit garçon de 3 ans, Côme, de 2 doggies, d'un Maine Coon et bientôt d'un deuxième petit bébé -ohmondieu- et passionnée par son boulot de social media & influence manager chez Petit Bateau. Comment ça, c'est tout ? (Et amoureuse, aussi!) Et photographe, accessoirement.

3 commentaires

  • Clémence

    Bonjour,
    Je viens de lire ton article et j’ai l’impression d’y lire mon histoire jusque dans ses moindres détails… Je te souhaite beaucoup de courage et un accouchement dans la sérénité! ( alitée à 4 mois de grossesse pour une Map, on a tenu péniblement jusqu’à 37 SA pour faire la connaissance d’un joli petit rôti de 3kg8 né comme un boulet de canon) Sois forte et fais toi confiance !

  • Marie

    Je ne suis pas passée par la mais pourtant vos mots me touchent tellement…. Maman d’un’petit garçon d’aujourd’hui 4ans j’ai fait une preeclampsie a 35SA .. Cette culpabilité dont vous parlé était la mienne… mais vous verez cela passe, on n’oublie jamais mais on apprend… et nos enfants sont le plus beau des remèdes. Du courage et de la force pour ces semaines à venir.

  • Meszaros

    Bonjour , je suis une Camille aussi et jai la même histoire que vous .
    Je suis hospitalisée à 28 Sa pour col à 12mm…..
    Je me reconnais dans tout votre récit.
    Avez vous aussi déjà des enfants ?
    CEst très difficile d’être ici et malheureusement j’ai moins le moral que vous ..
    En espérant pouvoir échanger un peu
    Bonne soirée
    Camille

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