Maternité

Le 1er trimestre : le trimestre de « l’angoisse »

Les jours d’avant…
Avant toi.

Je suis fatiguée. J’ai envie de dormir comme jamais. Je crois que mon corps me dit stop. Je crois que je n’ai plus de force. Papa est à l’hôpital, encore. Pour son 1er anniversaire post AVC, il soufflera ces bougies là dans le coma.
Je suis fatiguée, j’ai envie que la roue tourne. J’ai envie de la voir tournoyer sur elle même encore et encore. Dis papa, quand tu vas te réveiller, est ce que ça ira ?

Papa est réveillé. Ça va. Ça va aller.
On part quand même en week end en Hollande, mais je veux dormir. Il n’y a pas de saucisson végétarien dans le frigo ? Je pleure. Tu n’en as pas prévu alors que je t’en avais demandé ? Tu ne m’aimes plus. Et tu t’en fiches de moi.
Autant de réactions incompréhensibles que de fatigue. J’ai mis tout ça sur le compte de la fatigue, de mes épuisements émotionnels. Tu parles. 
A chaque cycle c’était pareil, 32j, puis 38j puis 43 jours sans règles avec la certitude que les symptômes de grossesse étaient là. Ha. Ha. Cher tendre corps, tu ne m’auras pas cette fois. Parce que je me fais avoir tous les mois, et tous les mois je fais un test de grossesse malgré ces retards et autres inconvénients. Et tous les mois mes règles débarquent quelques heures après l’inscription négative du-dit test de grossesse. Cette fois, je t’ai cerné : tu veux (encore) me faire marcher avant mes vacances en Grèce. Après quelques jours de 1001 questions, sans symptômes équivoques, je décide de faire venir mes règles (et non pas de connaître la vérité sur une grossesse possible puisque je sais d’avance que c’est non). Faire venir mes règles ? Oui, oui. Vu que c’est psychosomatique, il suffit de faire un test pour qu’elles débarquent.

D’un pas bien décidé je débarque à la pharmacie en expliquant à la pharmacienne que j’ai besoin de ce test pour « faire débarquer mes règles ». Yeux écarquillés et air dubitatif. Ben quoi ? Fallait pas me demander « vous pensez être enceinte ?» avec ce sourire béat. 
Je rentre et je fume ma cigarette avec Johann à la fenêtre. Je monologue sur ce corps qui m’use à me faire des petites feintes qui ne font rire que lui. Je suis fatiguée. Encore plus fatiguée d’y croire tous les mois quand ça ne vient jamais. De toute façon, ça fait quelques semaines que je n’y pense plus. Ma tête est ailleurs. Elle et avec papa. Comme mon cœur d’ailleurs. Serrée contre lui. Et maman qui attend la nuit à son chevet. Tout mon être est avec eux, et certainement pas occupé à faire grandir un petit être. 
Je tergiverse. Je fais pipi et je rallume une cigarette. 
Et puis j’oublie. J’oublie mon urine sur cette tige. J’oublie l’attente. J’oublie les possibilités. Alors je finis par me dire «merde, j’ai oublié ! Je vais le jeter ». 

Et dans mon geste pour le jeter, je commence à crier de l’autre côté de l’appart’à mon cher et tendre « tu vois, de toute façon, c’est encore comme tous les mois… » et silence.
Un silence très long s’installe. Mes yeux font 12 fois le tour de leur orbite. C’est impossible. Je n’y crois pas. Ça ne peut pas m’arriver.  
Ma main vient cacher ma bouche grande ouverte,au cas où les mouches voudraient jouer à cache cache. 
J’arrive devant lui, et aucun mot ne sort. Les yeux un peu mouillés pour moi, lui rigole à gorge déployée. Déployée de bonheur. Pendant que je reste interloquée durant de longues minutes. 

Je suis enceinte.


Et puis, je cours jusqu’à chez ma mère, et je lui montre le résultat de mon angoisse, ce putain de test de grossesse qui changera tout, et à jamais.


Leçon numéro 1 : avant de tomber enceinte, vous êtes pleine de projection sur la façon dont vous annoncerez votre grossesse à votre famille, à votre mec, à vos proches. Sachez une chose : rien ne se passe comme prévu et quasiment toutes vos annonces sont minables.

Et puis l’angoisse…

J’ai du mal à réaliser. J’ai du mal à y croire. Et bizarrement, ces 3 premiers mois n’ont jamais été synonymes pour moi de sérénité, épanouissement et bonheur. Je crois que chaque grossesse est unique,et chaque façon de se l’approprier aussi.

C’est à ce moment là que j’ai réalisé à quel point je pouvais me « faire du mal » à moi même, à quel point je pouvais ne pas croire en moi, ni en mon corps et sa capacité d’être à la hauteur. C’est à ce moment là, que j’ai le plus douter et surtout, que j’ai réalisé à quel point j’étais négative et pessimiste. Et ça, ça ne pardonne pas. Ca fout tout en l’air.

J’ai imaginé le pire, à chaque seconde.

Il y a un mélange de ressentis, et c’est inexplicable. Il y a l’envie de le hurler, il y a la peur que ça tombe à l’eau. Il y a tout ça.

Alors dans l’ordre, il y a eu les premières pertes de sang qui n’en étaient pas vraiment (je l’ai compris 1 mois plus tard), il y a eu les urgences, le cœur qui ne bat pas mais « c’est normal » et puis « ha bah non finalement vous semblez être à 6 semaine, c’est pas normal » puis le « ha si il bat bien ». S’en suit la merveilleuse gynéco qui vous explique que « oh, la fausse couche c’est pas juste le sang, ça peut aussi être le cœur qui s’arrête de battre et du coup, vous l’apprenez à l’écho d’après) avant de partir en vacances, et les prises de sang, et le coup de fil avant l’avion « bon, vous allez quand même faire une prise de sang à votre retour hein, pour être sûre que c’est évolutif… » Rien que ça ? L’ascenseur émotionnel ? Putain.

Ce à quoi, le plus calmement du monde j’airépondu : « mais un cœur qui bat, ça prime pas sur une prise desang ? » Oui, vous avez raison. Mais on ne sait jamais. On. Ne. Sait.Jamais.

Putain, je t’ai haï, connasse. De m’avoir fait enduré autant de stress, pour si peu de bienveillance. Alors plus jamais. Je ne te reverrai plus. JAMAIS.

A chaque échographie, c’était les mots qui résonnent, et la certitude que le cœur ne battrait pas. Que ce bébé ne bougerait pas. C’était les envies de vomir, pas parce que j’étais enceinte, mais parce que j’avais peur. Et ça pendant trois mois, allé deux. C’est long.

2 mois d’angoisse. Où tu n’as pas de symptômes. Où tu devrais être heureuse de ne pas en avoir, alors qu’en réalité ça te terrorise de parce qu’un bon vomito au réveil, ça te rassurerait pas mal ! Là, il n’y a aucun signe que tu es enceinte. Ou plutôt, il y a tous les signes pour penser que le coeur du bébé s’est arrêté.

Et cette envie d’en parler. Ce sentiment de solitude.
Il paraît que «  ça ne se dit pas avant 3 mois ». Je croyais quec’était « par superstition ». Et j’ai compris que c’était pour éviterd’imposer à ton entourage le deuil d’un enfant qui « n’en n’était pasun ». C’est une pression sociale, en somme. De mon point de vue. Parceque, encore une fois, tu comprends, « ça ne se dit pas ». C’est un véritable tabou, et ça arrive tellement plus souvent qu’on ne le croit.
D’un côté, le dire à 20 personnes et annoncer à autant que « finalement,le cœur s’est arrêté », c’est dur.
Après réflexion, je l’ai annoncé aux personnes qui étaient proches de moi, à qui de toute évidence si un incident arrivait, j’en parlerai.

Chaque annonce à été presque aussi nulle que la précédente. Même celle pour laquelle j’avais préparé une petite mise en scène, ça a capoté. Mais au final, l’annonce était tellement importante, que c’est pas grave.

Alors il y a eu les looongues journées d’attente, en attendant « l’échographie officielle ». Et ce qui est difficile aussi, c’est ce tas de nouvelles sensations intérieures, corporelles, que tu ressens et que tu n’as jamais ressenti. Est-ce que c’est normal ? Est-ce que je dois m’inquiéter ?

Vraiment, je n’avais jamais réalisé à quel point j’étais une source d’angoisse à moi toute seule.

Et puis on t’a vu, gigoter comme un tétard…

Et c’est là que tout est rentrée dans l’ordre. C’est là que j’ai enfin appris à reprendre mon souffle, que j’ai pu dire en le pensant « je vais devenir maman ».

C’est à cet instant précis que j’ai su que l’inquiétude serait toujours là, toute ma vie, mais qu’elle ne prendrait plus autant de place, qu’elle ne serait plus aussi anxiogène.

On a su que tout irait bien, et que même si on ne maitrisait rien, maintenant on n’avait plus qu’à saisir l’instant, et gober ce bonheur qui nous explosait à la tronche. En arrêtant de se dire que « non,c’est pas possible. Le bonheur n’est pas pour moi, il va se passer quelque chose. »

Les hormones m’en font voir de toutes les couleurs, mon acné est revenu, je me sens mal dans ma peau car j’ai l’impression d’être encore dans la phase du « on ne sait pas si tu es grasse ou si tu es enceinte », je n’arrive plus à m’habiller, je me cache plus qu’autre chose et ai du mal à m’assumer. Mais je compte bien y remédier. Je compte bien me faire confiance pour dépasser mes craintes. J’ai envie de faire autre chose que d’idéaliser ma grossesse. J’ai envie de la vivre pleinement, et correctement. J’espère que j’y arriverai. C’est l’idée.

En attendant, je prends mon temps, et je croise les doigts pour que mon papa rentre vite à la maison.

Et je n’oublierai jamais son flot de larme quand je lui ai annoncé qu’il allait être grand père, à nouveau.Il ne pouvait plus s’arrêter, et c’est sans doute l’un de mes plus beaux souvenirs. Et sans équivoque, ma plus belle annonce.

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Quand tu fais ta première photo mais que tu n’assumes pas encore…

Et surtout, surtout, je vais remercier mon corps. Lui dire merci de s’être fait plus confiance que je ne lui faisais confiance, et surtout merci d’avoir accepter d’endurer ça. Parce que, ça ne fait que commencer.

Et j’ai pris conscience qu’il fallait lui dire enfin merci, en lisant l’article de Maïa Cha sur les « 6 mois de Lïlly »

MERCI.


Au vert, Auvers. 32 ans et toutes ses dents. Déjà maman d'un merveilleux petit garçon de 3 ans, Côme, de 2 doggies, d'un Maine Coon et bientôt d'un deuxième petit bébé -ohmondieu- et passionnée par son boulot de social media & influence manager chez Petit Bateau. Comment ça, c'est tout ? (Et amoureuse, aussi!) Et photographe, accessoirement.

20 commentaires

    • Camille

      Ha oui… Mais quelle partie ?
      J’aurai bien voulu être prévenue 😉
      Faites attention, les raccourcis mènent souvent tout droit dans un mur. Enfin, visiblement, vous savez.

      Ps : et vous auriez fait partie de ceux qui m’auraient incriminé si j’avais fait des généralités.
      Banale… Bonne route!

  • Anonyme

    C’est vraiment.nul ce commentaire posé là lâchement en anonyme en plus…pfff…pour dire ça tu aurait mieux fait de la fermer!

    Encore une fois Camille ce fut un vrai régal de lire ton article…je me répète mais tu écris si bien! Moi qui ne veut pas d’enfant jai ressenti ta joie et tes craintes …et ton bonheur si rayonnant ! Comme on dit je te souhaite tout le bonheur possible et que tu aies une belle grossesse et surtout un BB en bonne santé….sincèrement. je t’embrasse très fort. Ansofy.

        • Camille

          Aller, on s’en fiche 🙂
          Mais merci d’être intervenue ^^
          Je crois que la culpabilité, c’est quelque chose de récurrent, et qu’il faut accepter de ne pas être infaillible.

          Depuis que j’ai arrêté de culpabiliser, je me sens mieux, tu as raison.
          Ton amie a eu de la chance de t’avoir !
          Heureusement que je suis bien entourée aussi.
          Des bisous!

        • Lefebvre Manon

          Je m’appelle Manon et je viens d’apprendre (hier) que je suis enceinte pour la première fois, par accident (même la pilule du lendemain voulait pas aller dans mon sens). Et j’suis tétanisée. Je tape depuis des heures sur Google « angoisse première grossesse » « tétanisée annonce grossesse » bref. J’ai trouvé ce que je ressentais là dans cet article. Je crois que tu dois être une hypersensible aussi… je me vide littéralement de mes larmes et j’ai conscience que j’ai super pas confiance en moi. Je file de suite te chercher sur Instagram pour réparer mon coeur et me dire que je suis pas seule. Merci pour tout

      • LéaB

        J’ai fais un test hier, positif, j’en ai refais un aujourd’hui car même si me corps me fait comprendre des choses (j’ai l’impression que mon ventre va exploser, j’ai chialer devant la chevauchée du rohan quand je me suis refait le seigneur des anneaux retour du roi, alors que pourtant je les connais par coeur), je me disais qu’au bout de deux mois d’essai ce n’était pas possible, je n’ai donc pas explosé de joie, j’ai commencé par paniquer en me disant que finalement on était peut être pas prêt, puis je me suis dis qu’on y arrivera. J’attends quand même mon rdv médecin avec impatiente (aujourd’hui) et les résultats de cette fameuse prise de sang (formation professionnelle oblige). J’ai hâte de lire tout tes articles =)

  • Maïa Chä

    Merci toi <3.
    Tu as bien raison, vis pleinement ta grossesse, le bébé s'en portera que mieux. Maintenant que ces 3 longs mois de solitude sont passés, tu vas pouvoir respirer et regarder tranquillement et amoureusement ton bidou grandir. Entoure toi bien, caresse ta bedaine autant que tu le souhaites et profites de tes petits bonheurs égoïste (genre, aller au cinéma, lire un livre, faire la sieste…). Je te souhaite une douce grossesse <3

  • Laetitia

    Ton recit me fait penser à une copine qui a vécu les mêmes angoisses durant sa grossesse Elle avait tellement désiré être enceinte et elle a tellement eu de mal à l’être qu’une fois que c’est arrivé elle en était malade. On était enceinte en même temps avec 2 mois d’écart et elle me confiait toutes ses craintes et j’ai passé mon temps à la rassurer et puis les semaines passant ça allait beaucoup mieux. Maintenant qu’elle est maman elle assure et n’a plus toutes ces craintes. Chaque grossesse est différente et il ne faut pas culpabiliser de ne pas etre épanouie durant toute la durée de celle-ci. La suite va être top.

  • Louvelyane

    Que d’émotions! C’est bien d’écrire sur le fait que ce n’est pas toujours si rose que ça. J’ai ressenti également cette ambivalence entre le crier sur tous les toits et la peur que ce bonheur soit de trop courte durée. J’ai eu aussi ce regard hébété sur ce test positif qui devait être négatif et faire venir les règles…
    j’ai eu aussi les passages aux urgences et les médecins vraiment malveillants « madame ne vous faites pas trop d’espoir et revenez dans 2 jours pour voir si c’est évolutif » comment ça « c’est » on parle de mon bébé là en fait je ne veux pas en perdre encore un….
    tu es radieuse sur les photos. Savoure profite immortalise tout ça tu le mérites

  • Mjmilaje

    Vos mots sont très beaux, très émouvants, ils expriment tellement bien cette fragilité et cette force qui nous envahit en debut de grossesse…et puis les mots que j’ai pu entendre au début de la mienne, cet ascenseur émotionnel.. aujourdhui ma fille a 10 ans et je peux ressentir et affirmer qu une chose est sûre, c’est que cette angoisse là, elle te rend tellement plus forte et protectrice quand tu deviens maman qu’il faut pas hésiter à lui garder une jolie petite place, ne paspla refuser car elle te permettra de te depasser, dépasser toutes tes autres peurs pour ce petit être qui se construit…

    Le meilleur c’est maintenant et ce qui est à venir

    PS/conseil : un gynécologue homme et un peu âgé, c’est les seuls qui sont bienveillants je trouve..

  • Emilie

    Je te souhaite une douce grossesse ❤ Tes mots sont si fort et si vrais et je te rassure après pas mal d’épreuves et d’arrêts de grossesses, les maux et angoisses sont les même pour ma troisième grossesse.

  • Marie

    Tout d’abord félicitations ! Ton article est très émouvant et j’adore ta façon d’écrire !
    Je me reconnais tellement dans tout ce que tu as écris … la malveillance médicale le stresse l’angoisse … j’espère vite retrouver le sourire et espérer ce bonheur à nouveau sans fin tragique.

    Tu es une belle découverte !
    http://www.bonjoourmarie.com

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