Voyages

Dancing in Phnom Penh

Lundi soir, 3 nouvelles arrivantes dans notre chambre : Alice & Nathalie, Françaises, sympathiques et avenantes. Puis Kerstin, du Lichtenstein (non, je ne sais pas comment s’appellent les habitants du Lichtenstein. Je dis « la lichtensteineuse »). Elle aussi, hyper sympa. On papote, on se pose sur le rooftop pour parler de nos peripéties respectives, on échange les bons plans, ce qu’il faut voir, ou pas. Les trajets prévus, conversations de voyageurs, en somme.

Le mardi, elles nous proposaient de sortir le soir boire un verre, dîner peut être, puisque la journée, elles partaient faire toutes les 3 le musée de génocide, que je venais tout juste de visiter.
Le soir est arrivé, et avec lui les gémissements de mon ventre qui criait famine. Du coup, ne les ayant pas vu de la journée, sans trop savoir leur plan (qui avaient sans doute changé entre temps), Anaïs et moi avons décidé d’aller trouver un petit resto dans le coin pour nous remplir la panse.
Je me souvenais d’un conseil précieux que m’a donné ma cousine avant de partir : les gens ne te doivent rien, et tu ne leur dois rien non plus. Tu verras qu’on te proposera des choses à faire, mais qu’entre temps s’ils décident de faire autre chose, c’est chacun pour sa pomme, on ne s’embarrassera pas à te prévenir alors chacun pour soi. En ayant intégré ça, ça me fait d’autant plus plaisir quand je vois qu’on me prévient si on ne peut pas être là au rendez vous initialement convenu, c’est le début du lâcher prise, moi qui ne supporte absolument pas les changements de plan en cours de route. (psychorigide un jour, psychorigide toujours).
C’est vers 22h qu’Alice arrive dans la chambre, elle doit passer un coup de fil et m’explique le point de la situation, accrochez-vous bien : elles ont crapahuté toute la journée, pour finalement s’échouer dans un restaurant après avoir été légèrement dégoûtées par les étalages de crevettes dans le marché russe. Kerstin leur raconte alors que la veille, elle a eu le coup de foudre (réciproque) avec Jerry, un tuk tuk driver. Il fallait voir ma tête quand elle m’a raconté ca… Il faut dire que les Cambodgiens ne sont pas tout à fait les plus beaux de la planète mais surtout très petit et.. J’avais du mal à imaginer la chose. Kerstin est une très jolie trentenaire au visage enfantin, voluptueuse et des yeux d’un bleu cristallin. Mais elle est surtout bien plus grande que la majorité des Cambodgiens (pas compliqué, me direz-vous). Avide de tous les potins possibles et inimaginables, l’histoire était croustillante ! Ils avaient dîner ensemble la veille, et lors de ce dîner après le marché, elle l’avait contacté pour qu’il les rejoigne à nouveau au restaurant. 
Quelques bières, crevettes grillées et cocktails plus tard, les voila donc arrivées à l’hôtel, prête à mettre le cap pour une soirée hors norme avec des locaux. Effectivement, Jerry leur a proposé de sortir en boîte avec deux autres amis (tuk tuk drivers et policier, j’ai pas vraiment saisi mais finalement je n’y crois pas trop et ne comprends surtout rien à qui fait quoi). 

Elles me proposent de me joindre à elle. Anais était fatiguée après sa deuxième journée de travail, et moi j’avais envie de découvrir l’inconnu. Quelques minutes plus tard, nous voila sur le rooftop de l’auberge à siroter des bières, tout en faisant connaissance avec Jerry pendant que Kerstin prend sa douche. Un moment, je me dis que finalement, mon lit serait peut être un bon compagnon… 

Vers minuit, elles filent et je me décide à les suivre. Il paraît que dans des voyages comme celui ci, quand tu rencontres des gens (voyageurs ou locaux) il faut suivre ton instinct, et celui ci m’indiquait qu’il n’y avait pas de danger en vue. Assises dans le tuk tuk, la moiteur de Phnom Penh s’emparant de nous, la traversée des rues sombres et mal éclairées s’offrait à nous…

Nous sommes arrivées dans une rue noire, en face du musée nationale. Un doute éclair .. Je vois deux Cambodgiens sauter par dessus les barrières d’un parc public à tour de rôle pour venir se présenter à nous, finissant de manger, faisant les allers retours entre nous et leur campement. Visiblement, l’un d’eux était plus ou moins le gardien du parc puisque c’est la que les cendres du père du roi ont été dispersées lorsqu’il est mort. L’un faisant du « beatbox » (version cambodgienne, le beatbox), pendant que Jerry rythmait sur Gangnam Style. Il s’appelait Buna. Quand il disait son nom, cela résonnait comme « bonheur » alors facile à retenir… L’autre, je vous le donne dans le mille : il s’appelait Tom (& Jerry, vous suivez?) et son truc, c’était de se cacher le visage dans ses mains des qu’il disait quelque chose de drôle. 
Ils sont fin prêts, on peut partir. 2 tuk tuk, 3 cambodgiens, 4 occidentales dont une à la limite d’être accroc à l’un d’eux, la soirée s’annonçait riche ! 

Nous sommes arrivées dans une rue bien animée, stupeur générale. Ils sont partis garer les tuk tuk au parking pendant que Tom et nous nous installions à une table en extérieur. 4 ou 5 pichets de bière, quelques cigarettes, beaucoup de fou rire et une partie de billard plus tard, la fête battait son plein. Nous étions en immersion totale, heureuses et nous délectant à chaque instant d’une soirée si unique. Les regards des autres habitués du « bar » étaient insistants et amusés, le tableau devait faire sourire, je ne pense pas qu’ils aient vraiment l’habitude de voir des locaux s’amuser autant avec des « touristes ». 

  
Il a été difficile pour nous de comprendre les codes locaux. Parfois, si on parlait de certaines choses, ils pouvaient se vexer. A l’inverse, j’ai du expliquer à Tom la signification du doigt d’honneur qu’il faisait à chaque photo, et il s’est immédiatement excusé et senti mal : « j’ai un ami qui fait ca tout le temps, je pensais que c’était quelque chose de bien à faire… » 

Leur générosité a été transperçante. Cette simplicité dont ils font preuve est déroutante et gratifiante. Ils veillaient sur nous, nous mettaient en garde de chaque « dangers », chaque réflexes qu’il nous fallait développer. Faire attention à nos sacs, ne pas accepter des boissons d’inconnus, on se sentait en sécurité, vraiment.

Autre chose qui m’a relativement déstabilisée : ils n’ont, a aucun moment, voulu qu’on paye quoi que ce soit. Les tuk tuk drivers gagnent environ 12 dollars à la journée, et ils venaient de dépenser leur paye parce qu’une femme ne doit pas payer, c’est l’homme qui gère ca … On avait beau leur expliquer que chez nous, c’était moitié moitié, rien à faire… 
Après ca, nous sommes allées à la boîte d’à côté : le Poontoon. Choc. Une boîte aux allures occidentales, classe et chic, des toilettes plus propres que ma salle de bain à Paris (oui, en boîte, les toilettes sont très importantes pour les filles après quelques verres de bière). Et nous avons dansé tout le reste de la soirée, sur de la bonne vieille musique commerciale à souhait. On aurait dit qu’ils avaient programmé VirginRadio a Phnom Penh. 

  
Il est 4h30 du matin, il est temps de rentrer… C’est là que les choses se sont gâter et la soirée a pris une tournure des plus étranges. Sur le chemin jusqu’au parking des tuk tuk, Tom a, à plusieurs reprises, essayé de me dire à quel point il voulait me parler, combien il « m’aimait bien », et j’essayais tant bien que mal de lui faire comprendre que, on devait rentrer… Et qu’il ne pourrait pas me parler à l’écart. Là encore, la différence culturelle et les codes locaux ont leur importance : qu’imaginait-il ? A t-il payé en pensant avoir un retour ? Est ce qu’ils pensent vraiment comme ça ? Ou est ce juste transparent et spontané ? Il semblait triste, et j’étais mal à l’aise … 

Buna, lui, c’était le plus mystérieux des 3. Le plus « mec », il avait des expressions d’américains, et je lui ai fait connaître John Travolta, dans Grease. Même coupe de cheveux, même manies et gestes pour se recoiffer, j’étais hilare. Lui aussi d’ailleurs. Il sautait, courait et dansait dans la rue. La rue, vide, mais sécurisante avec ces 3 drôles de mecs. Quand Nathalie a voulu se soulager derrière un arbre, je suis restée avec elle et Tom n’était pas très loin pour surveiller nos arrières. 
Une fois les tuk tuk récupérés, il était temps de se dire au revoir. Et là, le drame. Tom était entre la tristesse et l’agressivité (légère). A un moment je lui ai demandé si ca allait et sa réponse m’a fait mal au cœur : « Tom is ok. He always is. He always have to be ok »
Scène tout droit sortie d’un film de science fiction : Buna pleure en nous disant au revoir, et déclaré sa flamme à Nathalie. Il est amoureux d’elle, 2h plus tard. Mais où sommes nous ?! Encore une fois, nous n’avons jamais senti de danger, même à ce moment là, ils étaient juste tristes que tout s’arrête. Mais fallait voir nos tronches, tordus par les zygomatiques, entre fou rire nerveux et incompréhension totale. Nathalie a essayé de parler à Buna, il avait le cœur brisé. Pourtant, à aucun moment dans la soirée, il n’y a eu de rapprochement particuliers. Entre personne (sauf Jerry & Kerstin qui filaient le parfait amour non loin de nous). Ils nous ont reconduit à notre auberge et nous sommes dit au revoir.
La fin de soirée était amère. 

Dans la matinée, J’ai eu une longue conversation avec Kerstin. C’était bon, bien, on aurait pu parler des heures. Voyages, histoires de cœur et philosophie de vie (de ce que j’en sais aujourd’hui, elle a écouté mon petit conseil de « bubble » personnelle) 
Lorsque je suis sortie fumer, hier donc, aux alentours de 13h, Jerry me dit que Tom veut me voir, me parler. Il est au Palais Royal je n’ai juste qu’à prendre la rue à droite… Je lui fais comprendre que non, il insiste. Non, non et non. Ils partent. Je suis assise dans le hall, quand je vois le tuk tuk revenir avec Kerstin, Jerry &…. Tom. Stupeur et tremblements. Je sors, il veut me parler. 
Kerstin m’explique qu’elle lui a dit que j’étais là et que peut être je voulais bien lui parler et passer un moment avec lui ? Je n’avais qu’une envie c’était de dire :  » Tu m’as vendue ! Sympa la solidarité féminine!  » mais premièrement je ne sais pas dire ca en anglais, ensuite ils auraient compris.
Tom me dit qu’il veut me parler, que je dois passer la journée avec lui. Il me dit de monter dans le tuk tuk pour parler, je m’exécute et il démarre . On ne s’est PAS compris.. Je lui dis que je dois dormir, que je ne veux pas parler. Il comprend et me demande quand je serai disponible. « Je ne le serai pas… » Et je m’en vais. 
Pas de suspense supplémentaire : il manque un des 3 petits cochons à l’appel. Ca n’a pas loupé, Buna arrive quelques temps après. J’étais au téléphone, je le salue et rentre dans l’auberge. Alice et Nathalie sont dehors puisque Nathalie partait en direction de l’aéroport. Chacun sa merde les filles 🙂 
Kerstin aura donc passé la journée et soirée d’hier avec Jerry et nous attendons donc sagement les nouvelles croustillantes ce soir, autour d’un bon dîner entre nana ! 
Alors voila, cette soirée était exceptionnelle, magique. Imprévue et extraordinaire dans sa simplicité, les rebondissements divers resteront gravées dans les anales et j’en garderai un terriblement bon souvenir ! 
Et le plus gros fou rire sera sans doute ce moment où ils se sont tous émerveillés car nous pouvions former un « U » avec notre langue. Tom, lui, a essayé avec son doigt de tordre sa langue tout la soirée, rien y faisait. A leur décharge, ils ont eu cependant les doigts élastiques… 

Au vert, Auvers. 32 ans et toutes ses dents. Déjà maman d'un merveilleux petit garçon de 3 ans, Côme, de 2 doggies, d'un Maine Coon et bientôt d'un deuxième petit bébé -ohmondieu- et passionnée par son boulot de social media & influence manager chez Petit Bateau. Comment ça, c'est tout ? (Et amoureuse, aussi!) Et photographe, accessoirement.

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